S'il est d'usage de présenter ses voeux en début d'année, et nous n'y dérogeons pas - la @GaucheLuzienne vous souhaitant de réussir pleinement et sur tous les plans l'année 2025 - un "coup d'oeil dans le rétroviseur" est souvent de mise en janvier.
A cet égard, les événements politiques récents et la crise actuelle des institutions de notre République sont suffisamment prégnants pour que nous les commentions dans ce premier billet en forme d'éditorial.
CENSURES
Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, Emmanuel Macron vient en effet de récidiver : bien qu'il ait perdu trois élections successivement (les Européennes et le premier tour des Législatives, face au RN, puis le second tour des Législatives, marqué par le sursaut des forces de Gauche) le Président de la République s'entête en effet à considérer qu'il est dans son rôle en composant le gouvernement, au lieu de laisser le Parlement et les partis s'en charger, et refuse d'inciter son camp à choisir nettement entre les deux seules options possibles pour assurer un minimum de stabilité. Soit, conclure une alliance avec la Droite extrême (une solution certes honteuse, mais qui clarifierait ses choix devant l'opinion, car le chef de l'État semble préférer se mettre dans la main de Mme Le Pen plutôt que de rechercher un compromis avec les gauches) ou bien : pratiquer une abstention de principe face à un exécutif issu du NFP (mais on a vu comment la candidature de Lucie Castets avait été balayée d'un revers de la main).
Pire encore, malgré l'échec cuisant du prétendu "socle commun" fondé sur le front (?) constitué par les Macroniens et LR - parti certes puissant au Sénat mais quasiment groupusculaire à l'Assemblée Nationale - un chef de gouvernement issu du cercle rapproché des soutiens du Président a été désigné. Or, ce nouveau premier ministre (François Bayrou) n'apparaît pas comme l'homme de la situation. Il est, d'une part, très loin de pouvoir compter sur l'appui sans réserve que la Droite de MM Wauquiez et Retailleau apportait à son prédécesseur, et n'a, d'autre part, entrepris aucune démarche sérieuse pour obtenir le soutien (ou a minima la mansuétude) des Socialistes (tout au contraire, des nominations perçues comme des provocations ont achevé d'agacer le PS). Dans ces conditions, le nouveau gouvernement sera, sauf surprise, très rapidement censuré.
La seule question est en fait de savoir si le RN décidera de voter la motion de défiance que la Gauche s'apprête à déposer... ou s'il agira dans un second temps.
ÉGOTISME
Comment qualifier une situation historique aussi singulière, où les gouvernements de la France ne la gouvernent pas... et tombent avant d'avoir pu prendre la moindre décision essentielle ? Quelles conséquences cette impuissance pourrait-elle avoir sur le niveau de vie de la population et sa sécurité, dans un monde travaillé par des tensions paroxystiques ? Telles sont les questions que l'opinion, étonnamment résiliente, est en droit de se poser. Une chose est certaine, à nos yeux : le "petit Prince" régnant en enfant gâté sur la Vème République (qu'il a mise en lambeaux) risque fort, au cas où son nouveau "coup de dé" tournerait comme le précédent, de perdre ce qui lui reste de crédibilité. L'a-t-il compris et est-ce la raison pour laquelle il a indiqué dans une récente allocution son souhait d'appeler le Peuple à trancher ? Rien n'est moins sûr, car on ne voit pas comment il pourrait ne pas perdre un référendum dont il prendrait l'initiative, ou de nouvelles élections législatives anticipées (le Président pourrait imposer cette solution dès l'été prochain, suivant la Constitution). On peut penser en tout cas que, quelle que soit la question posée, le fait qu'elle le soit par lui hérissera une bonne part des citoyen.nes et aboutira à un rejet ! On peut également redouter qu'Emmanuel Macron ne soit de toute manière pas capable de tirer les leçons des futurs scrutins, vu sa manière - très trumpienne - d'interpréter les derniers résultats électoraux, ou même ceux des grandes consultations qu'il a lui même promues dans le passé ! Par ailleurs, les pistes que les commentateurs évoquent aujourd'hui pour envisager qu'un accord puisse se réaliser autour d'une proposition venant de l'Élysée sont assez paradoxales. Il y a, notamment, celle d'une réforme du mode de scrutin. Si chacun s'accorde à reconnaître que l'introduction d'une dose de proportionnelle favoriserait en principe une représentation plus juste des différents courants de pensée, il est cependant probable qu'un tel changement de pratique contribuerait à rendre encore plus instable un équilibre politique actuellement introuvable : est-ce vraiment le souhait des Français.e.s ? Par ailleurs, en dehors du MODEM, les forces supposément les plus favorables à une telle réforme (que le RN a longtemps revendiquée) se réclament bien souvent de tendances "radicales" - par nature hostiles au compromis. Pas plus la Droite dure que, vraisemblablement, la Gauche, ne peuvent d'ailleurs espérer gagner des élections nationales, au moins à moyen terme, dans un autre cadre que le scrutin majoritaire. Pour accéder au pouvoir dans le cadre d'élections à la proportionnelle, il leur faudrait entrer dans des coalitions larges - affadissant de facto leurs programmes : la pratique est certes courante, partout ailleurs en Europe, mais impopulaire dans notre pays.
Tout semble donc possible, mais pas forcément dans le bons sens... y compris que la dérive "Louis-Philipparde" de la pratique présidentielle (on a prêté à Emmanuel Macron l'intention d'invoquer l'article 16 et de se saisir des pleins pouvoirs, ce qui serait pour le moins inconsidéré) ne débouche sur son départ anticipé, suite à une démission que certains réclament à cor et à cri depuis longtemps, mais que d'autres paraissent souhaiter en leur for intérieur, y compris dans le camp macronien, où quelques personnalités se bercent encore de l'illusion de pouvoir briguer les plus hautes fonctions.
Il est bien regrettable que, devant une telle débâcle, les débats tournent principalement, sur certaines antennes, autour des bobos subis par l'égo de notre monarque républicain, dont l'annus horribilis est longuement analysée. Les grands défis du moment ne sont pourtant pas relevés : au premier rang, l'impuissance de l'État à accompagner le développement des territoires ultramarins (le cyclone ayant frappé Mayotte n'a fait que souligner la misère des moyens à disposition des Français.e.s de ce territoire, mais la Nouvelle-Calédonie ou les Antilles, par exemple, ne vont pas très bien non plus - et l'objectif, autrefois fédérateur, de la "décolonisation" a été perdu de vue sous cette présidence prétendument libérale) mais encore l'incapacité des gouvernants à doter la France d'un budget (du jamais vu !) alors que la dette a explosé (mauvaise gestion et/ou cynisme de dirigeants souhaitant priver l'État de tout moyen d'action ?). Sans parler du marasme économique et social et du risque de déclassement du pays - et notamment de l'affaiblissement, avéré, de l'influence de la France en Europe ; au profit de l'Allemagne, quoiqu'elle se trouvât elle aussi "en crise", et de la commission de Mme Von der Leyden (laquelle n'a pas hésité, après avoir "eu la peau" du commissaire français sortant à ridiculiser son ex-mentor, M Macron, à l'occasion de la négociation d'un accord de libre-échange avec le MERCOSUR) voire au profit de la Pologne, dont on sait qu'elle ne partage pas notre obsession d'une politique de défense indépendante des États-Unis. Et pour ne rien dire enfin de notre faiblesse face aux oppressions subies par les peuples voisins, de la part de régimes et de partis agressifs et criminels, par exemple en Ukraine et au Levant, pour ne citer que des régions proches.
Mais il ne s'agit pas de hiérarchiser les malheurs du monde et d'ignorer celles et ceux qui, loin de nos yeux, le seraient aussi de nos coeurs. Plus que jamais, c'est au contraire un devoir de Fraternité et Solidarité qui nous est imposé par les circonstances ; ne pas le comprendre serait participer de la désignation commode de boucs émissaires et ne pas voir que les Mahorais.e.s, et les Français.e.s en général sont d'abord les victimes du manque d'efficacité et d'équité de leur République. Un problème qu'il faut appréhender pour espérer le résoudre enfin, tou.te.s ensemble. Bref, les citoyen.ne.s ont du pain sur la planche...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire