En ne censurant pas "d'emblée" le gouvernement du Béarnais François Bayrou, les parlementaires socialistes ont pris leurs responsabilités.. en même temps qu'ils assumaient devant l'opinion un gros risque politique, et qu'ils jetaient un pavé dans la mare médiatique.
Ce geste de bonne volonté a été longuement débattu en interne, et beaucoup pardonneront aisément, au plan local, à notre député de la sixième circonscription, Peio Dufau, qui est seulement "apparenté" au groupe PS, d'avoir usé de sa liberté de vote pour ne pas l'accomplir mais pour exprimer au contraire toute sa défiance à l'égard du notable palois récemment promu premier ministre. Les habitant.es des Pyrénées-Atlantiques ont en effet de bonnes raisons de croire que la posture "réformiste" voire "sociale" de François Bayrou est surjouée. Ils doivent constater par ailleurs, comme tous les Français.e.s du reste, que ce vieux routier de la vie publique, placé à la tête d'un cabinet "rempli de revenant.e.s" par Emmanuel Macron, n'incarne ni le renouveau du personnel dirigeant ni le changement de ligne auxquels les électeurs et électrices aspirent.
Commentateurs et journalistes ont été nombreux à juger que cet épisode marquait la fracturation, voire la fin, du "Nouveau Front Populaire". Nous ne pensons pas pour notre part qu'il faille accorder trop d'importance aux éditoriaux pessimistes - et très orientés - de la presse télévisuelle quant à l'avenir de l'alliance populaire, non plus qu'aux anathèmes proférés par Jean-Luc Mélenchon à l'encontre de .. François Hollande (sic) et nous voulons croire en l'avenir de l'union des Gauches.
D'abord, parce qu'elle est indispensable dans la conjoncture actuelle, si les composantes du Front Populaire veulent aboutir à des succès électoraux. Beaucoup de personnalités favorables à la censure immédiate l'ont d'ailleurs exprimé et refusent de rompre avec les Socialistes (Alexis Corbière, entre autres). Ensuite, parce que le NFP n'est pas "une marque" dont LFI serait propriétaire et qui devrait lui servir à adouber ou exclure tel ou tel de ses allié.e.s de facto vassalisé.e.s (à cet égard, on a entendu Marine Tondelier dire le malaise qu'elle avait ressenti face aux diatribes de certain leader et constaté la difficulté, pour les écologistes, d'exprimer publiquement leur position de manière autonome).
Il faut enfin se souvenir que le NFP est issu d'une longue tradition de report des voix : il est d'usage en effet, en France, que l'électeur de gauche reporte son vote sur le meilleur candidat de son camp, voire vers un.e adversaire dont il estime qu'il est un.e défenseur.e des valeurs républicaines. Quoique les politiques ne croient plus depuis longtemps à ce Front Républicain, il existe toujours. Et cette attitude est même très fortement implantée dans le corps civique (fort heureusement, car, sans ce réflexe électoral salutaire, Jordan Bardella eût remporté "haut la main" les récentes élections Législatives !).
Ajoutons à ces considérations qu'au delà des divergences, voire des oppositions, souvent très grandes, entre les partis de gauche, tant sur la tactique que, parfois, sur les programmes : les valeurs de la famille réformiste et progressiste sont malgré tout très convergentes. Nous le voyons bien nous-mêmes, qui constatons, à un peu plus d'un an des futures élections locales, avoir plus d'affinités avec les idées exprimées par celles et ceux qui siègent "à babord" du navire municipal luzien qu'avec les droites conservatrices qui sont à la barre ou siègent en fond de cale.
Pour dédramatiser la polémique, rappelons-nous qu'un vote différent de la part du PS n'aurait pas changé le résultat du vote de censure. Pour renverser le gouvernement minoritaire mis en place par les Macroniens et les LR, il faut en effet la conjonction des votes des gauches et de l'extrême-droite. Alliance de fait qui ne va pas de soi et dont les Socialistes ne veulent pas, à raison, qu'elle devienne "naturelle" à l'Assemblée Nationale, même s'il est possible pourtant que l'examen du budget aboutisse rapidement, comme sous Michel Barnier, à un fiasco.
L'attitude mesurée des Socialistes est motivée par des promesses : celles de François Bayrou, qu'il a couchées par écrit, dans une lettre rendue publique. Ce n'est donc pas seulement auprès des présidents des groupes parlementaires socialistes et du premlier secrétaire du PS qu'il s'est engagé, mais devant le pays entier. L'avenir dira s'il été de bonne foi en rédigeant sa "lettre à France" [< téléchargeable ici] , s'agissant notamment de la réforme des retraites, dont le Président de la République et ses amis pourraient tenter d'empêcher la remise en cause, et à propos de laquelle l'argument de "l'équilibre financier" pourrait servir de prétexte à un blocage systématique. Mais de premières avancées ont eu lieu, le gouvernement renonçant à rogner les pensions comme à supprimer 4000 postes dans l'Éducation Nationale. Jouer le jeu parlementaire peut donc être utile et pourrait produire des résultats favorables aux classes moyennes et populaires ; c'est le but de la manoeuvre, destinée à être plus efficace que l'affirmation de positions de principe sans effet concret - sinon prolonger la crise des institutions et exposer les plus faibles à davantage d'effets négatifs. Wait and See !