BILLET DU 13 MAI 2021
FEU VERT A LA VENTE DES BIENS COMMUNAUX (EN PRÉALABLE A LA CONSTRUCTION DU PROJET IMMOBILIER FOCH)
L'avis du commissaire enquêteur à propos de la vente de terrains communaux en préalable à l'opération Foch vient d'être publié sur le site de la commune. Nous sommes satisfaits de cette insertion, puisque nous nous inquiétions depuis le 7 mai du délai intervenu dans la communication de la conclusion de l'enquête au public.
DES CHIFFRES
y sont mentionnés, qui donnent des précisions sur l'ampleur de la cession envisagée : le foncier s'étend sur le parking Jaulerry, vendu aux promoteurs en totalité, pour 630m², et sur une bande de terrain prise au long du boulevard Victor-Hugo pour 273m² (c'est donc un tiers de la surface cédée à des opérateurs privés qui provient de l'amputation de la largeur de la principale avenue luzienne, encore que l'on feigne habituellement de considérer que c'est son trottoir que l'on ôte mais que la chaussée est maintenue - en fait la voie sera barrée pour détourner les automobiles vers Marion-Garay).
AUCUNE UTILITÉ PUBLIQUE
ne peut être invoquée par la municipalité, le rapport le précise en signalant que le déclassement ne repose ni sur le code de l'expropriation pour utilité publique ni sur le code de l'environnement.
UN PROJET IMMOBILIER PRIVÉ COMME MOTIVATION
dont l'auteur du rapport précise qu'il n'est pas chargé "d'apprécier ou non" la pertinence, tel est le constat fait dans ses conclusions par Mme le commissaire, laquelle écrit que "le déclassement des deux parcelles publiques est réalisé afin de permettre la construction du projet immobilier de l'îlot Foch". Dont acte ; celles et ceux qui voudraient croire que la vente est nécessaire au projet (public) de parking communal sont détrompés. Il ne s'agit bien, pour la Ville, que de faciliter la réalisation d'un projet immobilier privé. Celui-ci respecte (c'est bien le moins) les règles légales en fait de mixité sociale.
UNE CONFORMITÉ APPARENTE AUX RÈGLES D'URBANISME
est notée dans l'avis rendu. L'extension assez considérable du bâti vers le Sud, en effet, "respecte l'alignement prévu au PLU" de sorte que, pour le commissaire, construire sur le parking Jaulerry "est une composante du Plan Local d'Urbanisme approuvée". Cette déclaration n'est pas étonnante, dans la mesure où, en effet, l'argument du nécessaire alignement des façades a été brandi dès l'origine du projet par feu P. Duhart et a été considéré en conséquence comme l'un des "invariants" imposé par la municipalité ; un invariant certes "décrié par certains" (au moins par les Socialistes et l'association Gardena) mais pas par tous (certains vieux briscards de l'opposition luzienne ayant cru bon d'approuver l'existence des invariants ou même de déclarer publiquement que le projet de rénovation leur convenait à peu près).
A MOINS DE RECOURS
lesquels "ne sont pas purgés" à ce jour, concernant l'OAP (opération d'aménagement) Foch telle que votée en même temps que le PLU en février 2020 (par la majorité des droites uniquement : nous-mêmes avions demandé le gel de toutes les OAP et nous étions abstenus s'agissant du PLU, Herri Berri votant contre) Mme le commissaire admet que la réalisation de la rénovation envisagée "figure bien" dans le PLU et qu'elle implique la vente de terrains publics (car le plan "induit des mutations de propriété, notamment du domaine public").
L'INTÉRÉT GÉNÉRAL
est formellement respecté dès lors que le projet est conforme au PLU et dans la mesure où la suppression du stationnement public Jaulerry ne peut être invoqué à bon droit comme un manquement, vu l'état de la jurisprudence. La perte d'une portion du boulevard Victor-Hugo n'est pas non plus une difficulté, car le conseil municipal l'a jadis considérée (délibération votée en 2019) comme "un ajustement des limites parcellaires" et parce que le trottoir actuel est déjà "privatisé par la terrasse" du Garage Luzien, dont le commissaire constate (malicieusement ?) qu'il "l'obstrue" complètement (sic). Il semblerait donc, d'après l'enquête publique, que "le bon fonctionnement du futur espace public" soit préférable au maintien du désordre actuel.
UN AVIS FAVORABLE
est finalement prononcé.
- D'abord parce que le projet de déclassement serait socialement acceptable ; le commissaire soutient qu'en nombre "les avis favorables l'emportent sur les avis négatifs" et estime que seule "une décision de justice" peut remettre en cause "l'opposabilité du PLU". Somme toute, le projet de vente des espaces publics concernés serait techniquement équitable en raison de sa conformité au PLU - pourtant voté par la seule majorité - et alors même que le projet de rénovation est "clivant sur la commune" comme le relève le commissaire, qui renvoie pour preuve à "la presse" qui "s'en est fait l'écho régulièrement".
- Ensuite, parce que, du point de vue environnemental, le projet de déclassement consisterait en "la suppression de 903 m² de bitume gris". Le commissaire rappelle au passage l'avis favorable donné par l'ABF au nouvel immeuble mais reconnaît qu'il est "difficile" pour lui "d'appréhender l'impact environnemental" du déclassement. Il choisit finalement de botter en touche, arguant du fait que les critiques exprimées s'agissant de la qualité environnementale du projet de rénovation ne concernent pas le déclassement mais d'autres aspects. Le déclassement d'une partie du domaine public en deviendrait-il pour autant et ipso facto une solution vivable ?
- Enfin, la vente de terrains municipaux est considérée comme une opération avantageuse par le commissaire enquêteur, qui compare le prix de vente négocié (2,8 M €) à l'estimation minimaliste faite par la Direction des Finances Publiques en 2019. Cette opération devrait financer 80% du "traitement en esplanade" des anciennes voiries du secteur et alléger "d'autant les finances communales". En ce sens, le déclassement semble être une affaire économiquement viable, mais seulement - et le commissaire le précise - à condition de ne pas tenir compte des "coûts du parking souterrain".
UNE ACCEPTABILITÉ CLIVANTE
La conclusion de l'enquête publique revient en préambule à la rédaction de l'avis du commissaire sur l'existence de "positions clivantes" dans le public et souligne la confusion faite, au moment de l'enquête sur le déclassement, entre cette opération elle-même et les autres aspects du projet (bâtiments et parkings souterrains). En deux mots, le feu est orange (car des recours juridiques sont engagés) et l'avis favorable prononcé ici ne concerne que le seul déclassement des 903 m² vendus par la commune, alors que, s'agissant du reste, qui ne concerne pas a priori le commissaire enquêteur, ce dernier se paie le luxe de noter l'absence de consensus sur le projet de rénovation, tout en remarquant qu'une majorité des avis recueillis sont malgré tout favorables à la vente au privé des terrains publics concernés par l'enquête.
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Cette "majorité de positionnements favorables" nous interpelle de longtemps : le PS n'a eu de cesse, en effet, de faire remarquer à tous ceux qui exprimaient des réserves sur tel ou tel détail du projet Foch que l'opération formait un tout et que ne pas contester la vente aux promoteurs des portions de domaine public leur étant indispensables pour bâtir leur gros immeuble et creuser un parking partagé avec celui de la Ville n'était pas logique pour qui n'approuvait pas l'OAP dans son ensemble.
Aux yeux de la @Gauche Luzienne, il sera malheureusement plus difficile de s'opposer au projet Foch après que l'enquête publique sur le déclassement des trottoirs et parkings vendus par la commune ait débouché sur un avis favorable, fondé en partie sur l'absence d'opposition publique au principe de la vente de la part des élus minoritaires.
C'est d'autant plus dommage que la conclusion de l'enquête publique est plus prudente sur la globalité de la rénovation, dont elle montre qu'elle est clivante et à propos de laquelle le commissaire souligne qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le fond. Notamment : sur la question de la rationalité économique du parc souterrain public, qui n'est pas abordée, puisque sans rapport direct avec le déclassement. Mais la mention même de la question des coûts (de cette réalisation et de sa gestion) et la précaution prise par le commissaire d'indiquer qu'ils sont pas pris en compte dans l'enquête conduite ici nous paraissent révélatrices de quelques réserves implicites.
A noter par ailleurs
Dans son rapport de présentation, également disponible en ligne, le commissaire enquêteur écrit notamment que "les tréfonds" (voir notre billet publié ce lundi) ne sont pas concernés par son travail car ils ne font pas partie à proprement parler des emprises publiques cédées (en surface). La vente de ces tréfonds est justifiée dans le rapport par le projet de construction "d'une seule rampe d’accès située en dehors de la zone inondable définie dans le PPRI" pour donner "un accès commun au parking privé et public".
Il convient par ailleurs que "la question des déchets de chantier est un réel problème" et que cette difficulté avait "déjà été soulevée lors de l’enquête publique du PLU". A propos de la production et du traitement des dits déchets, l'enquête publique indique que "le maître d’ouvrage renvoie à la responsabilité des entreprises" alors qu'il se porte en revanche garant de "la qualité du sol" en invoquant l'existence d'une "étude géotechnique...conduite par un bureau d’études spécialisé". La commune et la CAPB ayant "en charge de cette compétence" sont appelées à "résoudre dans les meilleurs délais" la question des déchets (sic). Autant dire (c'est en tout cas notre interprétation) qu'une certaine imprévoyance est dénotée en ce domaine !
La conclusion du commissaire évoque également une pétition qui lui aurait été transmise hors délai, et qu'on n'a pu pour cette raison "retenir au titre de l'enquête". Le commissaire signale bien que "la question du parking souterrain dont le PC est délivré et les possibilités de parkings" ne sont pas inscrites dans les limites de son enquête et il ne se prononce pas sur ces sujets. Selon son rapport " les 622 m² de surface de plancher des 10 logements sociaux constituent bien 40,07% des 11 logements privés" ce qui est conforme à la règlementation et retire peut-être un argument à ceux qui ont toujours approuvé la rénovation... avant de voter contre au dernier moment en conseil municipal en invoquant comme prétexte leur indignation face à des surfaces réservées au logement social trop réduites (car on leur avait promis 50 % et non 40%, et, apparemment naïfs, ils l'avaient cru au point de s'en féliciter publiquement) - voir notre billet du 15 mars dans la page VU DANS LES MÉDIAS) !
Trois inconvénients majeurs apparaissent au commissaire :
- la réduction du patrimoine communal
- une opération faite au profit d'un projet immobilier privé construit pour moitié sur des emprises publiques (903 m² contre 1100 m²)
- l'échec relatif des deux concertations publiques, dans la mesure où le projet de réaménagement ne fait pas l'unanimité, loin de là
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